La carte postale :
le trait d'union entre le passé et le présent
L'Ariège
712.- Auzat
Vue générale des usines
Phototypie Labouche frères, Toulouse
La centrale hydroélectrique d'Auzat est conçue à proximité de la toute nouvelle usine d'aluminium des Pyrénées, la Société électrochimique et Métallurgique des Pyrénées créée en 1906 par Georges Bergès (1861-1927). Cette entreprise, filiale de la Société de l'Arve, reçut un avis très optimiste lors d'une réunion extraordinaire:
Fils de Laurent Armand Aristide Marcelin Bergès, ingénieur et industriel papetier, et de Jeanne-Marie Raymonde Cardailhac.
- Chevalier de la Légion d'honneur du 19 septembre 1920.
- Président des Papeteries Bergès à Lancey (Isère).
- Ancien directeur de la Société des forces motrices et usines de l'Arve.
- Administrateur de la Société universelle d'explosifs, de la Société fr.-italienne d'explosifs cheddites, de la Société franco-suisse d'explosifs cheddites, de la Société des fabriques de pâtes à papier et de cartons du Sud-Est.
- Co-fondateur de la Société de Produits Electro-Chimiques et Métallurgiques des Pyrénées (Auzat- Ariège).
- Créateur des caisses de secours des usines de Chedde (Hte-Savoie), Auzat (Ariège), Épierre (Savoie), Lamarche-sur-Saöne (Côte-d'or)
[...] La société dispose d'une chute de 410 mètres d'eau remarquablement pure, dont les aménagements sont prévus pour la production d'une force de 20.000 chevaux. Comme les usines sont établies pour en utiliser 12.000 seulement, on voit qu'il y a une large marge, d'autant plus que les calculs sont basés sur un débit de 1.450 litres et que les jaugeages aux plus basses eaux ont révélé un débit, de 3.000. Ajoutons que les conditions géographiques locales sont ici beaucoup plus favorables qu'à la Société de l'Arve, puisque la force hydraulique supérieure est obtenue avec un débit beaucoup moindre et que, par conséquent, les chances d'arrêt et les aléas d'accidents et de réfection sont diminués d'autant. [...](*1)
À l'origine, de la modeste retenue de Bassiès, l'eau captée s'écoulait sur plusieurs kilomètres via une galerie et un aqueduc en béton armé, à flanc de montagne. Ensuite, le fluide remplissait une chambre de mise en charge, appelée chambre d'eau. Et enfin de là, une conduite forcée canalisait l'eau dont la force motrice actionnait les turbines de la centrale d'Auzat. Celle-ci était équipée de turbines centrifuges à injection partielle, type Girard. Leur rendement ne dépassait pas les 65%.
Les Pyrénées ariégeoises
1397 Environs d'Auzat.- Le canal des usines d'Auzat, du chemin de Bassiès. Montagnes de Marc.
Phot. Labouche fr, Toulouse
Les Pyrénées ariégeoises
1398.- Environs d'Auzat et Vicdessos.- Le grand étang de Bassiès
(4 h. de marche, 1500 mètres d'altitude)
Vu du côté du barrage
Phototypie Labouche frères, Toulouse
(1926)
Nancy 1909
Exposition Internationale de l'Est de la France
Entre le 1er mai et 31 octobre 1909, à l'Exposition internationale de l'Est de la France à Nancy (Meurthe-et-Moselle), la Société de Produits chimiques et Métallurgiques des Pyrénées présentait un plan en relief figurant les vallées composant le bassin de force motrice de l'usine d'Auzat à l'échelle 1/5000è. Tout autour, les visiteurs pouvaient admirer les photographies des travaux hydrauliques nécessités pour la création des chutes, le canal d'amenée, ect.
Déjà avant son installation, l'établissement du tracé de cette première conduite d'Auzat se heurtait à l'intransigeance des propriétaires des terrains traversés. Il faut préciser qu'à cette époque, il n'existait aucun régime de concession et aucune possibilité d'expropriations pour l'implantation de tels ouvrages. Faute d'un tracé rectiligne en plan, il fallut donc se résoudre à un tracé en plan des plus sinueux, présentant un effet du plus détestable et bien surprenant pour les passants.
Dès 1907, sa fabrication et son montage furent l'objet de grandes difficultés. En France, on ne construisait que des conduites rivées et les possibilités de fabrication ne permettaient le travail à froid que sur des tôles d'épaisseur au plus égale à 20 mm. La mise en Å“uvre de tôles d'épaisseur plus forte nécessitait l'amorçage et le cintrage à chaud dans des conditions assez précaires et posait des problèmes complexes car la technique n'en était qu'à ses débuts.
Les Pyrénées ariégeoises
1575.- Les tuyaux de conduites forcées (Chutes 2000 m.) pour les usines électriques
Phot. Labouche fr, Toulouse
La conduite mesurait 1 m de diamètre et fonctionnait sous 420 mètres de chute avec un débit de 3 m3/s. Pour ne pas dépasser les possibilités normales de fabrication des Usines Bouchayer et Viallet qui la construisirent, deux conduites auraient été nécessaires. Cependant Georges Bergès imposa la construction d'une seule conduite. Il fut ainsi mis en œuvre des épaisseurs inusitées de 32 mm et des rivets de 32mm de diamètre. Les problèmes rencontrés à l'atelier pour la réalisation de tuyaux de 6,40 m de long en quatre viroles de 1,60 m, tant pour le cintrage des viroles que pour leur rivetage et leur assemblage, furent considérables.
Forcément, peu après, le montage sur site et la mise en service industrielle de la conduite devaient réserver quelques surprises.
Aux premiers essais de mise en charge, la conduite ne se remplissait pas avec le débit de 3 m3/s disponible. Ce n'est qu'après plusieurs semaines de matage des tôles et des rivets avec l'appui de sciure de bois déversée dans la chambre d'eau que l'on obtint l'étanchéité au fur et à mesure que la pression montait. Par la suite, aucun déboire analogue ne fut enregistré en cours d'exploitation sur ces tuyaux de très forte épaisseur.
Cependant, les plus grosses surprises survinrent lors de l'éclatement de certaines viroles épaisses de 17 puis 16 mm alors que le manomètre installé sur le collecteur indiquait une pression statique inférieure à la normale. La première fois, on changea la virole défectueuse pensant à un défaut local, ainsi qu'on avait eu à le constater auparavant sur d'autres conduites. Ensuite, une deuxième puis une troisième rupture sabordèrent chaque nouvel essai alors que la tuyauterie n'était toujours pas complètement pleine, le niveau statique n'étant jamais atteint. Il fallut se rendre à l'évidence qu'il s'agissait d'une défectuosité systématique concernant tout un lot de tôles.
Les Pyrénées ariégeoises
269.- Auzat.- Les usines- Conduite forcée et prise des turbines
Phototypie Labouche frères, Toulouse
Pour remédier à une situation qui s'avérait catastrophique, on décidait dans l'immédiat d'éliminer toute la partie de conduite en 16 et 17 mm d'épaisseur et d'installer provisoirement en dérivation une petite conduite de 200 mm de diamètre dont on disposait car il était nécessaire à tout prix de mettre celle-ci en service, en vue d'assurer la mise au point des groupes de la centrale prêts à fonctionner sous débit réduit. La modification terminée, la conduite put être mise sous charge statique et les essais de mise au point des groupes entrepris.
Entre temps, on avait diagnostiqué assez rapidement la cause des ruptures précédentes et mis en fabrication les tuyaux de remplacement en tenant compte des constatations faites. Le défaut extrême de résistance, qui eut pour conséquence ces ruptures, provenait d'un vice de matière, découvert grâce à un examen attentif de la section de la tôle à la rivure.
Les trous de rivets étaient poinçonnés, puis alésés au diamètre définitif. En fait, c'est au moment du poinçonnage que les graves cassures se produisaient. Le savoir-faire des ouvriers ne fut pas mis en cause car aucune crique n'était visible extérieurement et aucun bruit anormal n'avait appelé l'attention du poinçonneur et permis de se rendre compte de la qualité particulièrement défectueuse du métal.
La fabrication des tuyaux de remplacement terminée, on procédait enfin au montage sur place du tronçon correspondant.
Dans la haute vallée auzatoise, l'hiver s'était invité. L'éclatement d'un robinet de vidange du collecteur provoqua simultanément l'explosion d'une virole et l'écrasement de la conduite en tôle de 5 mm d'épaisseur sur une grande longueur, située en amont du tronçon en cours de remplacement.
Pyrénées ariégeoises
Auzat.- Vue générale des usines
Édition Delpy- Cliché Cazals
(1909)
La charge sur la conduite, à son origine dans la chambre d'eau, étant insuffisante, - vu la faible pente du tronçon suivant immédiatement la chambre d'eau, - pour alimenter à pleine section avec le débit de rupture le tronçon suivant à forte pente, la veine liquide s'était brisée au point de jonction des tronçons à faible et forte pente. L'air ne pouvant rentrer par le reniflard placé contre la chambre d'eau, le vide atmosphérique s'était produit à l'aval du tronçon à faible pente et la conduite, non établie pour résister à ses effets, s'était écrasée. À la suite de cette quatrième rupture, les tuyaux de remplacement furent légèrement renforcés en remplaçant l'assemblage bout à bout par rivetage des tuyaux entre eux par un assemblage à brides en cornières.
Peu de temps après la remise en état de la conduite, une cinquième rupture se produisit. Elle fut la conséquence d'un violent coup de bélier dû à la présence d'un corps étranger mou, entraîné dans une tubulure de dérivation du collecteur, qui vint obturer complètement l'injecteur d'une turbine, coupant instantanément le débit de celle-ci. Les vérifications amenèrent la découverte d'un sac que les "riveurs" avaient oublié à l'intérieur de la conduite lorsqu'ils l'utilisaient pour se protéger les genoux lors du rivetage.
Une sixième et dernière rupture que l'on eut à enregistrer survint alors que l'usine était en exploitation normale depuis trois ans.
Souvent en plein hiver, consécutivement à quelques journées très enneigées, de légères avalanches encombraient le canal à ciel ouvert et l'on devait évacuer la neige qui bouchait l'entrée de la conduite située dans la chambre de mise en charge. À chaque opération de ce genre, pour éviter le gel, on laissait un écoulement modéré dans le tuyau qui se vidait lentement. La chambre déblayée, on la remplissait et on remettait l'usine en marche.
À l'une de ces manœuvres, l'ordre fut donné d'ouvrir légèrement la vanne d'entrée de la conduite afin d'opérer son remplissage et remettre en marche l'usine. Les instructions furent observées, puis soudain quelques minutes plus tard, on entendit une détonation: la conduite se vidait, noyant l'usine, puis tout retombait dans l'ombre et le silence. Bien sûr, on redonna aussitôt l'ordre de refermer la vanne.
Grâce à l'examen du diagramme du manomètre enregistreur, installé sur le collecteur, qui donnait une image reproduisant les phases de l'accident et aux témoignages recueillis sur place, il fut possible de donner une explication à cette mésaventure: tout d'abord, dès l'ouverture de la vanne, les opérateurs avaient remarqués le remplissage très rapide de la conduite contrairement à ce qui se passait à l'ordinaire. C'est à ce moment-là que l'évènement survint. Cela supposait l'existance d'un bouchon de neige qui s'était formé sur un point de la partie horizontale faisant suite à la chambre d'eau. L'amont du tuyau étant promptement garni, la pression atmosphérique sur l'eau précipita violemment la masse neigeuse compacte sur la surface libre, ce qui provoqua la déchirure de la tôle. On était en présence du phénomène du «marteau d'eau» qui causa le coup de bélier, vecteur de la rupture.
Ainsi la première conduite d'Auzat fut une véritable conduite expérimentale dont les avatars ont largement contribué au progrès de la technique de la fabrication et du montage des conduites forcées.
Les énormes difficultés rencontrées à la fabrication et au montage des tuyaux rivés de très fortes épaisseurs ont amené l'utilisation des tuyaux soudés. C'est ainsi que les Entreprises Bouchayer et Viallet ont créé leur première usine de soudage au gaz à l'eau, qui fonctionna industriellement dès 1910.
C'est à la suite de ces premières ruptures que les trous de rivets furent dorénavant percés à la mèche, tout poinçonnage étant désormais prohibé.
D'autres dispositions furent prises qui avaient trait, celles-ci au choix du métal, au mode de fabrication et aux essais de réception en forge. Il est bon de préciser qu'à cette époque on prenait des tôles de fer de fabrication longuement éprouvée, que l'on obtenait sans risque de fragilité extrême. Les ruptures sont nées à l'époque même de la généralisation des procédés de fabrication de l'acier.
C'est la rupture qui occasionna l'aplatissement de la conduite, qui détermina la modification de la position des reniflards, que l'on plaça désormais aux points judicieux, c'est-à-dire aux points de brisure de la veine liquide, d'ailleurs faciles à prévoir. Ce n'est que beaucoup plus tard, et à la suite de l'écrasement d'une conduite où une ventouse faisant fonction de reniflard, cependant bien placée, n'avait pas rempli son office parce qu'elle était obstruée par un bouchon de glace, qu'il fut décidé que les tuyaux d'une conduite forcée seraient dorénavant établis pour pouvoir, quoi qu'il arrive, supporter sans dommage le vide atmosphérique.
La rupture consécutive à la présence d'un corps étranger à l'intérieur de la conduite amena l'établissement de consignes rigoureuses relatives à la visite intérieure et au nettoyage d'une conduite avant sa mise en service.
Enfin la rupture due au phénomène du «marteau d'eau» conduisit le Maître de l'œuvre à recouvrir les canaux d'amenée et les chambres d'eau fonctionnant, comme ceux d'Auzat, à découvert et à prohiber toute installation analogue. Les canaux d'amenée et les chambres d'eau furent désormais mis à l'abri et généralement installés en souterrain.
Cette rupture permit aussi de mettre en évidence la nécessité de prévoir sur la conduite, et tout particulièrement sur le collecteur, des manomètres enregistreurs. Sans eux on n'aurait jamais pu analyser le phénomène du «marteau d'eau», ni le phénomène du «pompage».
En 1914, le consortium Alais-Froges rachetait l'usine d'aluminium qui n'était plus en capacité d'investir pour son développement. Ce nouveau groupe se donnait les moyens de compléter l'équipement hydroélectrique de la vallée pour agrandir et développer le site industriel.
Conduite rivée n° 1.
À droite, conduite n° 2, soudée au gaz à l'eau.
À gauche, conduite n° 3, soudée à l'arc électrique, à profil rectiligne en plan.
La Houille Blanche, N°2 (Mars-Avril 1958), pp. 116-122
© Société Hydrotechnique de France, 1958
«Â A propos du cinquantenaire d'une conduite forcée », par G. Ferrand (*2)
Des prises d'eau établies sur le ruisseau d'Artiès, régularisées par l'étang Fourcat aménagé en réservoir, et les ruisseaux du Mounicou et de l'Artigue, permirent en 1917 de doubler la conduite forcée. Une seconde centrale plus petite fut construite à Bassiès, au niveau de la chambre d'eau de l'usine d'Auzat, pour utiliser la partie supérieure de la chute de Bassiès, haute de 437 mètres. On obtenait ainsi une puissance maximum de 18 000 Kwh.
Les Pyrénées ariégeoises
1406.- Environs d'Auzat et Vicdessos.- Prise du canal de l'usine d'Auzat, en dessous d'Izourt
Phototypie Labouche frères, Toulouse
On aménagea la chute d'Izourt-Gnioure-Peyregrand, avec une usine à Pradières dans la vallée d'Artiès. L'usine de Pradières n'est en service que 9 mois par an, permettant au lac de se remplir de mai à juillet. Elle produit annuellement 24 millions de Kwh.
Gnioure devait retenir 19 millions de m3 derrière un barrage de 55 mètres de haut. Cet aménagement fut retardé en raison des problèmes de voix de communication, de l'inhospitalité des lieux ainsi que du manque de main d'Å“uvre. Presque tous les ouvriers étaient des Italiens.
En raison des données géologiques qui posaient quelques problèmes techniques, on devait ultérieurement aménager les chutes du Mounicou, régularisées par un réservoir de 12 millions de m3 au Labinas et un autre de 1 million et demi de m3 au pla de Soulcem, avec les usines de Soulcem et de l'Artigue. La décision de construire l'ouvrage fut définitivement prise après la crise du pétrole de 1973. La mise en eau interviendra en 1984.
L'Ariège
710.- Auzat, près Vicdessos.- Déversoir de la chute des usines
Phototypie Labouche frères, Toulouse
(1929)
Vue de la troisième conduite (on aperçoit sur la droite les deux premières).
La Houille Blanche, N°2 (Mars-Avril 1958), pp. 116-122
© Société Hydrotechnique de France, 1958
«Â A propos du cinquantenaire d'une conduite forcée », par G. Ferrand (*2)
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